être menacée, Dumas pousse le cri d’alarme « Comment oseriez-vous porter la main sur le Muséum ? » Puis il rappelle tous les services rendus par « les illustres fondateurs de la Science de la nature », avec une si vibrante éloquence que Pasteur, après avoir cité son discours, ajoute « Après l’évocation de tels souvenirs et ce ton même de prosopopée, quel Ministre eut osé toucher au Muséum d’Histoire naturelle, si ce n’est pour l’honorer et l’agrandir ».
Mais quelque reconnaissance que doivent à Dumas les institutions et les savants qu’il he cessa de protéger et d’honorer durant ces vingt années de politique active, on ne peut pourtant pas se défendre d’un amer regret en songeant à ce grand espace de vie perdu pour la Science. Combien plus rapides eussent été les progrès de la chimie si, pendant tout ce temps, cette grande force créatrice avait été dépensée pour elle seule ? À ce regret souvent exprimé, Dumas a répondu lui-même, vers la fin de sa carrière. « Ma vie s’est partagée entre le service de la Science et celui de mon pays. J’aurais préféré demeurer le serviteur de la Science seule ; mais, sorti des rangs obscurs de la démocratie, j’ai pensé que mon pays avait tant fait pour moi que je ne pouvais lui refuser aucun service. Si je me suis trompé, la Science elle-même ne m’en tiendra pas pour coupable. En me bornant à des recherches scientifique, j’aurais été plus heureux, ma vie eût été moins anxieuse et peut-être aurais-je embrassé une vue plus large de la vérité. » Une autre fois, il a laissé percer le sentiment de tristesse que lui causait ce long détournement de sa vie. « Le vrai bonheur, disait-il dans une sorte d’examen rétrospectif de sa propre carrière, le vrai bonheur m’apparaît sous la forme du savant consacrant ses jours et ses veilles à pénétrer les secrets de la nature et à découvrir des vérités nouvelles. Laplace, Cuvier Candolle, Brongniart, ajoutait-il en se reportant vers ses premiers et meilleurs souvenirs, ont connu la vie heureuse. Animés de l’amour de la vérité, indifférentes aux jouissances de la fortune, ils ont trouvé leur récompense dans l’estime publique. »