Aller au contenu

Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 52.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XIX

l’existence la plus modeste et presque la plus étroite. Son ambition était plus haute il avait la passion de la vérité.

Le caractère était chez lui à la hauteur du génie. « Quant à la noblesse des caractères, a écrit Renan, comment reprocher à la Science d’y porter atteinte, quand on voit les âmes qu’elle forme, ce désintéressement, ce dévouement absolu à l’œuvre, cet oubli de soi-même qu’elle inspire et entretient ? Ici, nous n’avons rien à envier au passé. Aux saints, aux héros, aux grands hommes de tous les âges, nous comparerons sans crainte ces caractères scientifiques, attachés uniquement à la recherche de la vérité, indifférents à la fortune, souvent fiers de leur pauvreté, souriant des honneurs qu’on leur offre, aussi indifférents à la louange qu’au dénigrement, sûrs de la valeur de ce qu’ils font, et heureux, car ils ont la vérité. Grandes certainement sont les joies que donne une croyance assurée sur les choses divines ; mais le bonheur intime du savant les égale. Car il sent qu’il travaille à une œuvre d’éternité et qu’il appartient à la phalange de ceux dont on peut dire « Opera eorum sequuntur illos ». Claude Bernard était de ceux-là. Sa vie, toute consacrée au vrai, est le modèle que nous pouvons opposer à ceux qui prétendent que, de notre temps, la source des grandes vertus est tarie ».

Quoi qu’on en ait pu dire d’un côté ou de l’autre, il est toujours demeuré indépendant de tout système philosophique, de toute doctrine religieuse ni spiritualiste, ni matérialiste, seulement physiologiste. Il l’a formellement déclaré à maintes reprises, encore à la dernière page de son dernier Ouvrage, novissima verba : « Les doctrines spiritualistes et matérialistes peuvent être agitées en philosophie, elles n’ont pas de place en physiologie expérimentale ; elles n’ont aucun rôle utile à y remplir, puisque le criterium unique y dérive de l’expérience… La Science ne donne raison ni à l’un, ni à l’autre de ces deux systèmes… Aujourd’hui la Physiologie devient une science exacte ; elle doit se dégager des idées philosophiques et théo-