De là date cette ère ininterrompue de profonde intimité, pendant laquelle nous restâmes si étroitement unis entre i85o, et 1904, et dont la manifestation finale fut l’ultime appel adressé dans un dernier sourire, par Marey, au vieux compagnon de sa vie scientifique.
Au cours des quarante-cinq années que dura cette ère d’intimité, que de fois nous eûmes l’occasion de nous retrouver côte à côte, soit à Paris, soit à Beaune, soit à Labergement-les-Seurre, soit à Chagny, soit à Lyon, soit ailleurs Que ne dois-je pas à l’influence si agréablement réconfortante de ces bonnes et sympathiques rencontres Pourrais-je oublier jamais combien me fut précieuse l’amitié, si fidèle, si attentionnée de Marey quand, après ma transplantation à Paris, un deuil cruel brisa ma vie et assombrit mes derniers jours ?
Pour Marey, l’installation rue Cuvier marque une étape importante de sa carrière. La direction qu’elle prendrait allait y être décidée, avec les conseils d’anciens camarades, les Lorain, les Brouardel, les Alphonse Milne-Edwards, les Léon Labbé, les Albanel, etc., tous devenus mes propres amis. Marey ne leur laisse pas ignorer qu’il se sent physiologiste jusqu’aux moelles, un physiologiste exclusif et intransigeant. On le pousse du côté des concours des hôpitaux. Il est facile de deviner qu’il ne se laissera pas convaincre. L’exemple de Claude Bernard, qui ne fut jamais rien dans la hiérarchie des services hospitaliers, ni dans celle de la Faculté de Médecine, n’était pas fait, bien entendu, pour l’empêcher de se vouer exclusivement à la pure recherche scientifique.
Mais dans quel poste officiel trouvera-t-il ses indispensables instruments de travail ? En France, à l’époque, les postes de physiologistes étaient rares, même à Paris, et l’outillage y manquait à peu complètement. Aussi Marey se résout-il, purement et simplement, à se faire physiologiste en chambre, comme il aimait à le dire plaisamment. Les appareils, laborieusement imaginés et fabriqués par lui, qui avaient servi à ses premières recherches, étaient déjà installés dans l’apparte-
