gêné dès l’enfance par ses parents dans ses inclinations, excédé de travaux dans son adolescence, contrarié à Cayenne par un despote subalterne dans toutes ses vues, dans l’exercice même des devoirs qui lui étaient prescrits, négligé et rebuté enfin à Paris par ceux qui auraient dû le récompenser noblement de ses services, ait conçu une misanthropie qui ne fit que rendre le reste de sa carrière plus pénible, et lui ôter le peu de secours qu’avec de la patience et de la douceur il aurait pu encore espérer ?
Plus les hommes en pouvoir ont de torts, et moins il faut leur en parler si l’on veut qu’ils les réparent. Mais tous les opprimés ne sont pas de caractère à se plier à cette maxime, et M. Richard l’était moins que personne. Après quelques essais infructueux pour obtenir justice, il se confina dans la retraite, ne vivant, n’étudiant que pour lui-même, ne communiquant les objets qu’il avait rassemblés, les observations qu’il avait faites, qu’à peu de personnes, et de préférence à des étrangers. On aurait dit que chacun de ses compatriotes qu’il voyait mieux traité, lui paraissait avoir usurpé ses droits. Ce qui est certain, c’est que le silence obstiné qu’il a gardé a été un dommage immense pour toutes les branches de l’histoire naturelle. Un savant étranger, parfaitement en état d’en juger[1], et qui a donné sur M. Richard une notice biographique, l’appelle l’un des plus grands botanistes de l’Europe. C’était aussi d’après ses manuscrits qu’il en avait pris cette idée. M. de Jussieu, l’un de ses anciens maîtres, et presque le seul de nos confrères qui eût conservé quelque part dans sa confiance a souvent admiré les nombreuses
- ↑ M. Kunth.