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Sous Charles ix.

touſiours le renforce, & plus il trouue de bois & plus eſt preſt d’en bruſler, & ſans que on y mette de l’eau pour l’eſtaindre, ſeulement en n’y mettant plus de bois, n’ayant plus que conſumer, il ſe conſume ſoy meſme & deuient ſans forme aucune & n’eſt plus feu : Pareillement les Tyrans, plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent & deſtruiſent, plus on leur baille, plus on les ſert, d’autant plus ils ſe fortifient, & deuiennent touſiours plus forts & plus frais, pour aneantir & deſtruire tout. Et ſi on ne leur baille rien, ſi on ne leur obeyt point, ſans combattre, ſans frapper, ils demeurent nuds & desfaits, & ne ſont plus rien ; ſinon que comme la racine, n’ayant plus d’humeur & aliment deuient vne branche ſeiche & morte.

Les hardis, pour acquerir le bien qu’ils demandent, ne craignent point le danger, les aduiſez ne refuſent point la peine. Les laſches & engourdis ne ſçauent ni endurer le mal ni recouurer le bien. Ils s’arreſtent en cela, de le ſouhaitter, & la vertu d’y pretendre leur eſt oſtee par leur laſcheté, le deſir de l’auoir leur demeure par la nature. Ce deſir, ceſte volonté, eſt commune aux ſages & aux indiſcrets, aux courageux & aux couards, pour ſouhaiter toutes choſes, qui eſtans acquiſes, les rendroyent heureux & contens. Vne ſeule en eſt à dire, en laquelle ie ne ſçay comme nature defaut aux hommes, pour la deſirer. C’eſt la liberté, qui eſt toutesfois vn bien ſi grand, & plaiſant, qu’elle perdue, tous les maux viennent à la file, & les biens meſmes qui demeurent apres elle, perdent entierement leur gouſt & ſauuer, corrompus par la ſeruitude. La