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des légendes, des contes qui sont pour lui de véritables poèmes.

Autrefois dans notre Bas-Rouergue, les enfants se groupaient autour d’un narrateur de contes. Le plus souvent c’était le grand-père, la grand’mère ou un vieux serviteur de la maison qui racontait dans les veillées d’hiver des légendes merveilleuses. Quelle fête pour eux lorsqu’on leur promettait de leur dire un conte bien intéressant ! Combien ils étaient silencieux et attentifs ! La joie ou la tristesse passaient tour-à-tour dans leur âme, suivant que le talent du narrateur savait les y faire entrer !

Toutes ces légendes, tous ces contes de fées, du drac, de la trêve, de la chevrette, du loup-garou, etc., se racontaient encore, pendant notre enfance, dans chaque famille, à Villefranche et dans ses environs.

Ce merveilleux a duré dans notre Bas-Rouergue depuis le druidisme jusqu’à la grande Révolution de 1789. Tout en restant fidèle à sa foi religieuse, à son costume local et à ses moeurs simples, notre pays avait conservé, comme la Bretagne et l’Auvergne, la poésie de ses légendes druidiques. Le peuple des campagnes du Rouergue aimait tout autant ces légendes fantastiques que la grande race Armoricaine. En effet, ces deux peuples, tous deux enfants des montagnes, semblent avoir dans leur organisation beaucoup de points de ressemblance, quelque chose de naïf et de simple dans leurs moeurs, à côté d’une foi vive et forte.

Au pied du Puech-d’Elves se trouvait un petit mamelon couvert de bois, auprès duquel ont été bâtis l’église et le monastère de Loc-Dieu. Ce mamelon était autrefois entouré par un grand lac qui en hiver surtout, en formait une presqu’île et qui portait le nom de lacus diaboli ou lac du diable.

Nous ne pouvons aujourd’hui nous faire une idée bien exacte du sombre aspect qu’offrit notre pays de Rouergue pendant quelques siècles (du VIIIe au XIIe), sous le rapport de la population et de la vaste étendue des terres incultes ou abandonnées, sur lesquelles d’épaisses forêts avaient