Page:Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tome 11.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Villefranche, que Raymond St-Gilles avait fondée en 1096 pour en faire la capitale du Rouergue, ne put être bâtie qu’en 1099 après la prise de Jérusalem et ne fut, pendant 153 ans, qu’un simple bourg connu sous les noms de la Peyrade ou les Tuilières[1].

Du reste on comprend très bien la dépopulation du Rouergue à l’époque de la première croisade, quand on considère que Saint-Gilles, comte de Toulouse, du Rouergue, du Quercy, de l’Albigeois et du Gévaudan, leva dans ces pays et tint à sa solde une armée de cent mille hommes qu’il conduisit en Orient.

Ce sentiment de tout un peuple, ce grand élan de la foi qui ne voyait que des chrétiens, des frères malheureux à secourir, entraîna toute la population valide du Rouergue dans cette sublime expédition.

Un de nos vieux cartulaires, celui des Cordeliers de Villefranche, nous apprend que St-Gilles, ayant traversé le Rouergue à la fin d’octobre de l’année 1096, s’arrêta pendant trois jours au château fort de Najac, et qu’il y reçut foi et hommage de tous les seigneurs des environs. De là, il se rendit le même jour, en remontant l’Aveyron, au château du Doumayrenc, situe en face de l’église Saint-Jean-d’Aigremont[2], et il rangea sous sa bannière tous les seigneurs de la contrée.

  1. Raymond IV, dit St-Gilles, fonda, en 1096, sur la rive gauche de l’Aveyron, au lieu appelé les Tuilières, la ville appelée Villefranche, et en 1252 Alphonse 11, comte de Rouergue, permit aux habitants de se transporter sur la rive droite de l’Aveyron, parce que le lieu était moins sujet aux inondations. Plusieurs auteurs ont confondu ces deux fondations distinctes.
  2. Saint-Gilles se rendit de Najac au Doumayrenc, de là il continua sa route pour Rodez où il engagea le comté de Rodez à Richard, vicomte de Carlat et de Millau, pour avoir de l’argent avant de partir pour la croisade. Saint-Gilles mourut en 1105, près de Tripoli, en Syrie, au château des Pèlerins.
    Le château fort du Doumayrenc, dont la construction remontait au Xe siècle couronnait un rocher escarpé de cette chaîne de montagnes qui s’élève sur la rive gauche de l’Aveyron, près de Villefranche, et domine l’ancienne route pavée de Rodez qui passait à côté de l’église du Calvaire, Le Doumayrenc touche aux mines argentifères de La Baume. — C’est au bas du château du Doumayrenc que se trouve sur l’Aveyron, le gouffre de la Gasse, au bord duquel, dans une pièce de terre, et dans un vieux mur on trouva, en 1840, des objets précieux d’or et d’argent qui furent achetés par H. Lacaze, minotier, et vendus par lui à Paris 800 fr., valeur intrinsèque de l’or. — Depuis cette époque on a trouvé divers autres objets du même genre, en ce lieu. En 1338, le château du Doumayrenc avait été réparé par Hugues Gauthier. Par lettres patentes du 24 décembre 1345, Pierre de Bourbon, lieutenant-général du Languedoc, ordonna au sénéchal du Rouergue de mettre ce château sous la main du roi. Les Anglais s’en emparèrent durant la guerre, mais dès qu’on l’eût retiré de leurs mains, le sénéchal Guy de Lasteyrie le fit démolir en 1377. En 1755 on voyait encore des débris de ce château ; de nos jours il n’en reste pas de traces, les pierres ont servi à bâtir quelques maisons, et son emplacement est aujourd’hui transformé en terres cultivées.
    Cette famille possédait noblement de grands biens. À l’époque de la fondation de Villefranche, elle avait tout le terrain de Saint-Jean-d’Aigremont, les terrains occupés par les Templiers, jusques à la vieille côte du Pont. Ils avaient le terrain de la Guutherie et un château près de la rivière.