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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

l’ouverture de la session. Ils montrèrent aussi de grandes répugnances pour monsieur de Talleyrand. Peut-être aurait-il osé les affronter s’il avait été soutenu par la Cour. Mais Monsieur se laissait dire tout haut par le duc de Fitzjames : « Hé bien, monseigneur, le vilain boiteux va donc la danser ? » et approuvait du sourire ce langage contre un homme qui, deux fois en douze mois, avait remis la maison de Bourbon sur le trône.

De son côté, le roi Louis xviii trouvait de si grands services bien pesants et ressentait le sacrifice qu’il avait dû faire en éloignant le comte de Blacas. Par-dessus tout, l’empereur Alexandre, de protecteur zélé qu’il était de monsieur de Talleyrand en 1814, était devenu son ennemi capital. Il céda devant tant d’obstacles réunis ; il offrit une démission qui fut acceptée avec plus d’empressement peut-être qu’il n’avait compté.

Le soir, j’allai chez lui ; il s’approcha de moi, et me dit que le dernier acte de son ministère avait été de nommer mon père à l’ambassade de Londres.

En effet, la nomination, quoique signée Richelieu, avait été faite par monsieur de Talleyrand. Il la demandait au Roi dès 1814, mais le comte de La Châtre avait été premier gentilhomme de Monsieur, comte de Provence ; il avait promesse de conserver cette place chez le Roi et, comme il l’ennuyait à mourir, Sa Majesté Très Chrétienne aimait mieux avoir un mauvais ambassadeur à Londres qu’un serviteur incommode aux Tuileries. Il finit pourtant par céder. Malgré les immenses avantages faits à monsieur de La Châtre nommé pair, duc, premier gentilhomme de la chambre, avec une forte pension sur la Chambre des pairs et une autre sur la liste civile, il conçut beaucoup d’humeur de ce rappel.

Mon père reçut, avec sa nomination, une lettre du duc de Richelieu qui le mandait à Paris. Il ne voulait cepen-