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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/134

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MONSIEUR DE FONTANES

où on lui demandait si leurs conférences avaient réussi, il répondit avec un air de componction :

« Je ne sais ce qui en résultera ; mais je sais qu’il faut tenir sa conscience à deux mains pour ne pas céder aux sentiments si nobles, si éclairés, si entraînants que je suis appelé à écouter. »

Pour moi qui connaissais la logique de Jules, j’en conclus seulement que monsieur de Fontanes croyait ce langage de mise dans le salon, très royaliste, où il le tenait. Jules finit par céder et prêta serment ; mais, pendant toute cette négociation qui dura longtemps, il était ostensiblement caressé par Madame et par Monsieur, quoique ce prince eût prêté le serment que Jules refusait. Toutefois la Congrégation, qui l’avait excité au refus, craignit de s’être trop avancée. Elle voulait se faire connaître sans se trop compromettre. Jules reçut ordre de reculer.

Monsieur le nomma publiquement adjudant général de la garde nationale, et lui confia, secrètement, la place de ministre de la police du gouvernement occulte, car son existence remonte jusqu’à cette époque, quoiqu’elle n’ait été révélée que plus tard, et qu’il n’ait été complètement organisé qu’après la dissolution de la Chambre introuvable.

Le séjour prolongé de la famille d’Orléans en Angleterre n’était pas entièrement volontaire. On avait contre elle de fortes préventions au palais des Tuileries, et le cabinet commençait à les partager. Presque tous les mécontents invoquaient le nom de monsieur le duc d’Orléans, et la conduite toujours un peu méticuleuse de ce prince semblait justifier plus de défiance qu’elle n’en méritait réellement.

Monsieur de La Châtre, courtisan né, favorisait des soupçons qu’il savait plaire au Roi.