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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Pour éviter au prince régent l’ennui de ces embarras ; il arrivait dans le salon de la marquise en traversant un petit jardin et par la fenêtre. C’était fort simple assurément, mais, quand cette fenêtre s’élevait à grand bruit pour le laisser entrer, un sourire involontaire passait sur toutes les figures.

En outre de la fatigue de ces assemblées, ce qui les rend odieuses aux étrangers c’est l’heure où elles commencent. J’en avais perdu le souvenir. Engagée à un bal le lendemain du raout de lady Hertford, j’avais vu sonner minuit sans que ma mère songeât à partir. Je la pressai de s’y décider.

« Vous le voulez, j’y consens, mais nous gênerons. »

Pour cette fois, nous ne trouvâmes pas de file ; nous étions les premières, les salons n’étaient pas achevés d’éclairer. La maîtresse de la maison entra tirant ses gants ; sa fille n’eut achevé sa toilette qu’une demi-heure plus tard, et la foule ne commença à arriver qu’à près d’une heure du matin.

Je me suis laissé raconter que beaucoup de femmes se couchent entre leur dîner et l’heure où elles vont dans le monde pour être plus fraîches. Je crois que c’est un conte, mais certainement beaucoup s’endorment par ennui.

Pendant que je suis sur l’article des bals, il me faut parler d’un très beau et très bizarre par la situation des gens qui le donnaient.

Le marquis d’Anglesey, après avoir été marié vingt et un ans à une Villiers et en avoir eu une multitude d’enfants, avait divorcé en Écosse où la loi admet les infidélités du mari comme cause suffisante. Il venait d’épouser lady Émilie Wellesley qui, divorcée pour son compte en Angleterre, laissait aussi une quantité d’enfants à un premier mari.