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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Au congrès de Vienne, elle avait inventé de se coiffer avec les ordres en diamants de son mari et avait placé la jarretière en bandeau sur son front. Le ridicule de cette exhibition l’avait empêchée de la renouveler, et les boîtes, que les traités faisaient abonder de toutes parts, fournissaient suffisamment à son goût très vif pour la parure et les bijoux. Toutefois, il était dominé par celui de la campagne, des fleurs, des oiseaux, des chiens et des animaux de toute espèce.

Elle n’était jamais si heureuse qu’à Cray où lord Castlereagh avait une véritable maison de curé. On descendait de voiture à une petite barrière qui, à travers deux plates-bandes de fleurs communes, donnait accès à une maison composée de trois pièces. L’une servait de salon et de cabinet de travail au ministre, l’autre de salle à manger, la plus petite de cabinet de toilette. Au premier, il y avait trois chambres à coucher : l’une appartenait au ménage Castlereagh, les deux autres se donnaient aux amis parmi lesquels on comptait quelques ambassadeurs. Mon père a été plusieurs fois à demeure, pendant quelques jours, à Cray farm ; il m’a dit que l’établissement n’était guère plus magnifique que le local.

Lady Castlereagh avait le bon goût d’y renoncer à ses atours. On l’y trouvait en robe de mousseline, un grand chapeau de paille sur la tête, un tablier devant elle et des ciseaux à la main émondant ses fleurs. Derrière cette maison, dont l’entrée était si prodigieusement mesquine mais qui était située dans un charmant pays et jouissait d’une vue magnifique, il y avait un assez grand enclos, des plantes rares, une ménagerie et un chenil qui partageaient, avec les serres, les solitudes de lady Castlereagh.

Jamais elle ne s’éloignait de son mari. Elle était près de son bureau pendant qu’il travaillait. Elle le suivait à