Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

la campagne, comme on le serait pour aller dans le grand monde. Je me le tins pour dit, et, depuis, je n’ai plus commencé les bonnes journées de campagne avant sept heures et demie, et vêtue en costume de ville.

Pendant que je suis sur l’article toilette, il me faut raconter celle avec laquelle j’allai à la Cour. Peut-être, dans vingt ans, sera-t-elle aussi commune qu’elle me parut étrange lorsque je la portai. Commençons par la tête.

Ma coiffure était surmontée du panache de rigueur. J’avais obtenu à grand’peine du plumassier à la mode, Carberry, qu’il ne fût composé que de sept énormes plumes, c’était le moins possible. Les panaches modérés en avaient de douze à quinze et quelques-uns jusqu’à vingt-cinq. Au-dessous du panache (c’est le nom technique), je portais une guirlande de roses blanches, qui surmontait un bandeau de perles. Des agrafes et un peigne de diamants, des barbes de blonde achevaient la coiffure.

Ce mélange de bijoux, de fleurs, de plumes, de blondes choquait fort à cette époque notre goût resté classique depuis les costumes grecs. Mais ce n’est encore rien.

Le buste était à peu près arrangé comme à l’ordinaire. Lorsque le corsage fut ajusté, on me passa un énorme panier de trois aunes de tour qui s’attachait à la taille avec des aiguillettes. Ce panier était de toile gommée, soutenue par des baleines, qui lui donnaient une forme très large devant et derrière et très étroite des côtés. Le mien avait, sur une jupe de satin, une seconde jupe de tulle garnie d’un grand falbala de dentelle d’argent. Une troisième un peu moins longue en tulle lamé d’argent, garnie d’une guirlande de fleurs, était relevée en draperie, de sorte que la guirlande traversait en biais tout le