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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/255

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

traîner et les a rompus à la veille de se faire. Pour celui de monsieur de Montesquiou, la corbeille était achetée, etc. »

J’avais au service de tout le monde la réponse banale que, si elle devait se repentir d’épouser mon frère, il valait mieux que ce fût la veille que le lendemain. Mais ces propos, auxquels des retards qu’il était impossible d’expliquer et qui se renouvelaient de quinze jours en quinze jours, donnaient une apparence de fondement quoiqu’ils n’en eussent aucun et que la jeune personne fût aussi contrariée que nous, me firent prendre la résolution de vivre en ermite. Même lorsque la société commença à se reformer pour l’hiver, ma porte était habituellement fermée et je n’allai nulle part.

Ma famille occupait aussi le public par un autre bruit de mariage qui ne m’était guère plus agréable. Le roi de Prusse était devenu très amoureux de ma cousine Georgine Dillon fille d’Édouard Dillon, jeune personne charmante de figure et de caractère. Il voulait à toute force l’épouser.

Madame Dillon avait la tête tournée de cette fortune ; mon oncle en était assez flatté. Georgine seule, qui, avec peu de brillant dans l’esprit, avait un grand bon sens et tout le tact qui peut venir du cœur le plus simple, le plus naïf, le plus honnête, le plus élevé, le plus généreux que j’aie jamais rencontré, sentait à quel point la position qu’on lui offrait était fausse et repoussait l’honneur que le prince Radziwill était chargé de lui faire accepter.

Elle devait être duchesse de Brandebourg et avoir un brillant établissement pour elle et ses enfants. Mais enfin cette main royale qu’on lui présentait ne pouvait être que la gauche ; ses enfants du Roi marié ne seraient pas des enfants légitimes. Sa position personnelle, au milieu de la famille royale, ne serait jamais simple, et