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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

combattit ces impressions de Monsieur. Il lui assura qu’il lui serait bien facile de se faire adorer, s’il voulait se montrer moins exclusivement chef d’un parti.

« Mais je ne suis pas chef d’un parti.

— Monseigneur, on vous en donne les apparences.

— C’est à tort, mais comment l’éviter ?

— En étant moins exclusif.

— Jamais je n’accueillerai les jacobins, c’est pour cela qu’on me déteste.

— Mais les gens qui vous servent bien ne sont pas des jacobins.

— C’est selon. Vois-tu, Ned, le vieux levain révolutionnaire, cela reparaît toujours, fût-ce au bout de vingt ans. Quand on a servi les autres, on ne vaut rien pour nous.

— Je suis fâché d’entendre tenir ce langage à Monseigneur ; cela confirme ce que l’on dit.

— Ah ! ah ! et que dit-on ? conte-moi cela, toi.

— Hé bien, Monseigneur, on dit que vous avez envie de faire Mathieu ou Jules ministre. »

Monsieur qui se promenait dans son cabinet, s’arrêta tout court, partit d’un grand éclat de rire.

« Ah ! parbleu, celui-là est trop amusant, ce n’est pas sérieusement que tu me dis cela ?

— Sérieusement, Monseigneur.

— Mais tu connais trop Jules pour que j’aie besoin de te dire ce que c’est ; hé bien, Mathieu c’est la même espèce tout juste, un peu moins hâbleur peut-être, mais pas plus de fond ni de valeur. Puisqu’on veut bien me prêter des intentions, il faudrait au moins qu’elles fussent de nature à ce que quelqu’un pût y ajouter foi. Allons, allons, mon vieil ami, tranquillise-toi ; si on ne fait jamais d’autre fable sur mon compte, cela n’est pas bien alarmant. Mathieu ! Jules ! Ah ! bon Dieu, quels ministres ?