Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
AGITATION DANS LES ESPRITS

reusement assez haut pour que cela fut entendu et répété :

« Si vous vous en allez, je veux m’en aller aussi.

— Oh ! que non, Monseigneur, avait répondu le duc ; vous y penserez mieux. »

Quelques semaines plus tard, un petit écrit professant la convenance de prolonger l’occupation, loin de chercher à l’abréger, fut distribué à profusion ; il était anonyme, mais l’enveloppe portait pour timbre : Chambre de Monsieur.

On l’attribua à monsieur de Bruges. C’était le précurseur de la fameuse Note secrète. Toutes ces petites circonstances fondaient l’immense impopularité sous laquelle Charles x a succombé en trois jours, quelques années après.

Ces intrigues agissaient même sur les personnes qui n’y prenaient aucune part. Il régnait une inquiétude générale qui ne paraissait pas justifiée par la situation où nous nous trouvions. Dès en arrivant, j’avais eu les oreilles rebattues par l’annonce de la grande conspiration. Je demandais qui en faisait partie, on me répondait :

« Je n’en sais rien », mais on ajoutait avec un air capable : « Tenez pour sûr que nous marchons sur un volcan, et certes ce n’est pas monsieur Decazes qui nous sauvera ! »

Il était, de plus en plus, en butte à la haine du parti de la Cour.

À force d’entendre répéter ces paroles, je finissais par être ébranlée à mon tour, lorsqu’une circonstance puérile me rétablit dans mon assiette en me montrant sur quels fondements fragiles on échafaudait les nouvelles. J’assistais à ténèbres à la chapelle des Tuileries ; on frappe un coup léger à la porte de la tribune royale. Une fois ; pas de réponse ; Madame jette un coup d’œil irrité