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LE DUC DE ROHAN

Un équipage avec plusieurs valets en grande livrée s’arrêta au portail. Un homme en uniforme en sortit, c’était évidemment le ministre. Le suisse arriva en toute hâte, hallebarde en main, ouvrant la route à Monseigneur. Le bedeau suivait ; il s’adressa à Alexandre de Boisgelin (passablement gobeur de son métier) pour lui demander s’il était de la suite de Son Excellence.

« De quelle Excellence ?

— Du ministre de la police.

— Où est-il ?

— Là, le suisse précède.

— Mais ce n’est pas le comte Decazes, c’est le duc de Rohan. »

Aussitôt voilà le bedeau au petit galop courant après le suisse pour le ramener à son poste du portail, et le duc de Rohan, dépouillé de ses honneurs usurpés, laissé tout seul au milieu de l’église, obligé d’établir son habit de pair sur une simple chaise de paille, à nos côtés, comme le plus humble d’entre nous. Les rieurs furent contre monsieur de Rohan, en dépit des préjugés aristocratiques qui lui auraient volontiers donné précédence sur monsieur Decazes. Ses ridicules étaient trop flagrants.

Auguste de Chabot, jeune homme qui ne manquait ni d’esprit, ni d’instruction, avait été presque forcé d’être chambellan de l’Empereur. Il se conduisit avec dignité, convenance et simplicité à la Cour impériale. À la Restauration, il prit le titre de prince de Léon et les fumées de la vanité lui montèrent à la tête.

Il perdit sa femme, mademoiselle de Sérent, riche héritière, par un horrible accident, et peu de mois avant [l’époque à] laquelle je suis arrivée, la mort de son père l’avait mis en possession du titre de duc de Rohan et de la pairie. Ces honneurs, bien prévus pourtant, achevèrent