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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/52

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MARCHE DE MURAT

de cette façon que nous apprîmes la défaite de monsieur le duc d’Angoulême, la convention faite avec lui et enfin son départ de Cette. Le nom de mon frère ne se trouvait nulle part ; nous finîmes par recevoir des lettres de lui, écrites de Madrid. Il allait le quitter pour rejoindre son prince qu’il croyait en France et qu’après un long circuit il retrouva à Barcelone.

Monsieur le duc d’Angoulême avait eu le projet d’envoyer mon frère auprès de Madame, ainsi qu’il le lui disait dans sa lettre, puis il avait changé d’idée et l’avait expédié au duc de Laval, ambassadeur à Madrid. C’était là ce qui nous avait occasionné une inquiétude si grande et si justifiée dans ce premier moment de guerre civile où il était impossible de prévoir quel serait le sort des prisonniers et la nature des vengeances exercées de part et d’autre. La suite a prouvé que les colères étaient épuisées aussi bien que les passions et qu’il ne restait des premiers temps de la Révolution que la valeur et les intérêts personnels.

Murat avançait en Italie si rapidement que, déjà, on emballait à Turin. Nous avions bien le désir, ma mère et moi, d’aller y rejoindre mon père ; il s’y refusait de jour en jour. La question d’économie devenait importante et se joignait à celle de sécurité pour ne pas faire un double voyage dans ce moment d’incertitude.

Les demandes de monsieur de Saluces avaient été plus que froidement accueillies par le gouvernement sarde. Elles n’auraient pu avoir de succès effectif, puisque la nouvelle de la catastrophe et de l’embarquement du prince arrivèrent promptement après. Mais, dès lors, mon père remarqua l’accueil embarrassé que lui fit le ministre et aperçut une disposition à écarter l’ambassadeur des affaires, tout en comblant le marquis d’Osmond de politesses.