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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/105

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

mais on redoute, en l’attaquant ouvertement, d’aventurer sa propre tranquillité.

L’opposition de nos ancêtres se manifestait d’autre sorte. Ils donnaient de grands coups de lance et versaient du sang ; nos contemporains ne se battent qu’en paroles et ne répandent que de la boue. Ce métier est trop peu attrayant, trop peu honorable, pour se prolonger. Cette opposition, honteuse et tracassière, s’éteindra prochainement, on le doit espérer, dans son propre venin.

En attendant que les aventures de madame la duchesse de Berry soient devenues le domaine de l’histoire et du roman, elles restent dans celui de la chronique. C’est à ce titre que je prétends raconter ce que j’en ai aperçu du point de vue où j’étais placée.

Je ne pense pas m’écarter en cela du parti que j’ai ci-devant annoncé de ne rien écrire de confidentiel. Cet épisode est tout à fait en dehors de la conduite des affaires à l’intérieur et ne peut donner lieu à aucune révélation indiscrète.

Madame la duchesse de Berry a de l’esprit naturel, le goût, l’instinct des arts et l’intelligence de la vie élégante. Elle porte habituellement de la bonté, de la facilité dans son commerce, mais trop souvent aussi la maussaderie d’une personne gâtée, d’une enfant mal élevée.

Comprenant mal les exigences de son haut rang, elle n’avait jamais songé combien c’est un métier sérieux d’être princesse au dix-neuvième siècle, et elle ne prétendait y puiser que de l’amusement et des plaisirs.

Les gens de son intimité savaient sa conduite assez désordonnée, mais, soit qu’on fût porté à l’indulgence envers elle, par l’injuste réprobation qu’inspiraient les