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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/127

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Il est à remarquer que toutes les récoltes furent abondantes et superbes.

Quoique fort alarmants, les récits dont on saluait la fin de mes soirées nous faisaient moins d’effet, par leur généralité même, que lorsque le mal sévissait autour de nous. Chaque grande catastrophe amène des expressions qui lui sont propres. Celle d’être pris devint consacrée par l’usage. Elle est prise, il est pris, se comprenait du reste sans autre explication.

Je me rappelle un certain dimanche des Rameaux, de sinistre mémoire.

Madame de Champlatreux, fille de monsieur Molé, jeune personne de vingt ans qu’une distinction réelle mettait déjà hors de pair, prise au retour d’une promenade au marché aux fleurs, avait succombé dans la nuit.

Nous nous entretenions de ce triste événement lorsque le marquis de Castries, en entrant chez moi, demanda si nous savions pourquoi madame de Montcalm ne recevait pas selon son usage ; il venait de trouver sa porte fermée. Monsieur Portal dit l’avoir quittée à six heures ; elle lui avait recommandé de revenir le soir. Nous envoyâmes chez elle : elle était morte.

Au même instant on annonça monsieur de Glandevès, comme très mal ; il s’éleva une discussion à ce sujet. Monsieur de Glandevès avait été atteint l’avant-veille, mais faiblement. Quelqu’un affirma l’avoir vu le matin tout à fait bien, cependant nous envoyâmes encore : il était mort.

La stupeur n’était pas passée qu’un message appela monsieur Pasquier auprès de sa nièce avec laquelle il avait dîné et qui se trouvait à toute extrémité. Nous sûmes, à la même heure, la duchesse de Maillé atteinte : elle n’a pas succombé, mais elle a été des années à se rétablir.