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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

pour se parler. Les autres s’interrogeaient de l’œil en passant. Si un visage calme se rencontrait, on se disait : « Celui-là ne sait rien encore. »

Cela est si vrai que, lorsque, le lendemain, tout le monde a su, tout le monde s’est regardé, et tout le monde s’est entendu. Il n’y a pas eu de conspiration.

C’est même dans cette unanimité d’indignation qu’il faut chercher la cause de l’extraordinaire magnanimité de ce peuple soulevé. Il reconnaissait partout des complices et en voyait même dans ces soldats qui tiraient sur lui. Mais n’anticipons pas sur les événements ; ils vont assez vite.

Le soir, je vis quelques personnes, dans l’opposition au ministère Polignac, mais attachées à la Restauration. Toutes étaient désolées. On se perdait en conjectures. On croyait à de grandes résistances, mais constitutionnelles. Les lettres closes ayant été envoyées aux députés ; ils arrivaient de moment en moment. Cet appel était-il la suite de l’impéritie accoutumée, ou bien les rassemblait-on dans des intentions hostiles et pour sévir contre eux ? Il y avait matière à deviser, et nous n’y manquâmes point.

L’ambassadeur de Russie, le plus irrité, le plus véhément de nous tous, nous raconta avoir rencontré le comte Appony, sortant du cabinet du prince de Polignac, très satisfait, et allant expédier à Vienne un courrier porteur de ces bonnes nouvelles.

Pozzo ne partageait ni cette confiance ni cette joie. Il était entré à son tour dans le cabinet où il avait trouvé le ministre, calme et enchanté de lui-même, répétant qu’il était plus constitutionnel que personne, si ce n’était le Roi ; tout irait à merveille, il ne comprenait pas même d’où pouvait naître l’inquiétude et il avait fini par dire : « Soyez tranquille, monsieur l’am-