Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

assez long, on entra dans le salon de service au rez-de-chaussée.

Je m’y trouvai placée dans une embrasure de fenêtre derrière la Reine. J’en profitai pour lui dire, à voix basse, que madame la duchesse de Berry avait quitté Nantes et se trouvait en sûreté comparative.

Madame Adélaïde m’entendit. Exaspérée par l’inquiétude où la tenait depuis cinq heures l’absence hasardeuse de son frère, elle se retourna vivement sur moi en me disant avec une sorte d’emportement : « Il faut avoir bien du temps à perdre pour s’occuper de la sûreté de madame la duchesse de Berry dans ce moment !… C’est elle qui est au fond de tout ceci. »

La Reine baissa les yeux et me serra la main en signe de silence ; mais, depuis lors, elle n’osa plus manifester son intérêt aussi hautement, et on finit par obtenir d’elle de ne se point mêler ostensiblement de cette triste aventure.

La boutade chagrine de madame Adélaïde était, je crois, fort exagérée. L’insurrection se montrait complètement républicaine, et les héros du cloître Saint-Merri, comme les ont qualifiés leurs sectaires, se sont bien fait tuer pour leurs propres idées.

Mais, il est pourtant vrai qu’une petite escouade de jeunes gens légitimistes s’y étaient associés, sans s’y réunir. Ils se firent traquer de rue en rue, recevant et rendant des coups de fusil assez inoffensifs jusque dans le passage du Caire où ils se dispersèrent, vers la même heure où les barricades du cloître Saint-Merri étaient forcées.

Peu d’instants après, un homme à cheval, qui avait longtemps stationné dans la rue de Choiseul au coin du boulevard, et que plusieurs gens ont cru reconnaître pour monsieur de Charette, partait au galop. On a présumé