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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

Son séjour prolongé en France semblait manifester d’une faiblesse qui excitait les cris de l’opposition ; on accusait le gouvernement d’impuissance ou bien de connivence.

Je m’épuisais presque chaque soir en vains efforts pour persuader à monsieur Thiers combien l’arrestation de la princesse lui susciterait d’embarras. Il reconnaissait préférable qu’elle s’éloignât d’elle-même, mais il n’admettait pas la gravité des obstacles que je lui prédisais.

Le pays, disait-il, n’était point fait à mon image et cette capture exciterait beaucoup plus de satisfaction qu’elle ne soulèverait d’intérêt pour la princesse. Monsieur Pasquier ne s’épargnait pas dans ces discussions.

Monsieur Thiers avait une grande considération pour lui et, plus par déférence que par conviction, il promit de se borner d’abord à traquer madame la duchesse de Berry d’une façon si active qu’elle ne pût douter des intentions du nouveau cabinet et d’essayer ainsi à la faire partir.

Je ne me fis aucun scrupule d’avertir les personnes de son parti de la disposition où l’on était ; mais, comme elles n’admettaient pas la réalité du système d’indulgence employé jusqu’alors, elles n’attachèrent aucune importance à mes paroles ou y virent, peut-être, une manœuvre pour obtenir un départ qu’on ne pouvait forcer.

Monsieur Thiers raconta historiquement un jour que monsieur de Saint-Aignan, le préfet de Nantes, ayant donné sa démission, monsieur Maurice Duval le remplaçait ; il était déjà mandé par le télégraphe. Monsieur Pasquier garda un profond silence dont je fus frappée, quoique je n’eusse pas compris l’importance de la révélation ; mais, monsieur Thiers s’étant éloigné, il me dit tout bas :