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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

Or, cet homme racontait avoir eu avec ce prince, et en présence d’envoyés confidentiels de madame la duchesse de Berry, des conférences si alarmantes sur leurs projets ultérieurs et montrant une telle aberration d’esprit chez tous les deux qu’épouvanté d’un pareil avenir il s’était résolu à rompre toutes leurs trames.

En conséquence, il s’était présenté chez monsieur de Rayneval, notre ambassadeur à Madrid, et, à la suite de certaines révélations incomplètes, lui avait demandé un passeport et une lettre pour le ministre de l’intérieur, en lui confiant une liasse de papiers importants à faire parvenir à Paris.

Monsieur de Rayneval ne pouvait refuser aucune de ces demandes ; mais, peu empressé, je crois, à se trouver mêlé dans cette trahison, il remit les dépêches à un secrétaire qui s’égara en route et n’arriva qu’après l’arrestation de la princesse. J’ai toujours pensé que ce n’était pas par hasard.

Je reviens au récit de monsieur Thiers. La lettre de monsieur de Rayneval était adressée à monsieur de Montalivet. Lorsque Deutz se présenta au ministère de l’intérieur, on lui dit que monsieur de Montalivet ne s’y trouvait plus et, lorsqu’il voulut remettre sa missive à monsieur de Montalivet, celui-ci, n’étant plus ministre, refusa de le recevoir pour mission secrète.

Deutz, ne doutant pas que les papiers remis à l’ambassade de Madrid ne dussent être parvenus, laissa son adresse et s’étonna bientôt de n’être pas appelé. Les jours s’écoulaient et il ne pouvait plus tarder à aller porter les réponses à la princesse qu’il avait médité de perdre ; mais il lui fallait préalablement recouvrer les documents nécessaires.

Une démarche, faite à ce sujet vis-à-vis d’un employé du cabinet ministériel, donna l’éveil à monsieur Thiers.