ques, et, si elle est détenue deux jours à Nantes, elle y sera écrouée par la cour de Rennes.
— J’ai prévu ce danger. Il n’y a pas de justice en pleine mer, Molière l’a dit, et on l’embarquera sur-le-champ.
— Dieu soit loué ! m’écriai-je, et on la conduira à Hambourg ou à Trieste (Depuis l’arrestation du Carlo Alberto la famille royale exilée avait quitté l’Écosse pour la Bohême).
— Cet abus de générosité n’est plus possible, on ne tarderait guère à l’y suivre soi-même. Voici mes projets : vous savez les réclamations faites par les ministres de Charles X et leurs amis sur l’insalubrité du château de Ham ; ces cris avaient donné la pensée de les transférer à Blaye. Dès qu’ils en ont eu vent, comme cet éloignement leur déplaisait fort, Ham est devenu un séjour parfaitement sain ; mais on n’a pas révoqué les ordres antécédents pour préparer des appartements au château de Blaye ; ils sont en bon état, et demain le télégraphe donnera l’avis de les meubler.
— Monsieur Thiers, lui dis-je, avant de porter la main sur une personne royale, songez bien à ce que vous allez faire ; cela n’a jamais réussi à aucun, et vous retrouverez cette action dans toute votre carrière. Pensez-vous que l’Empereur n’ait pas déploré constamment sa conduite envers le duc d’Enghien ?
— Si le duc d’Enghien avait été pris fomentant la guerre civile en Vendée, nul n’aurait osé blâmer même la sévérité de l’Empereur… ; mais — me voyant frémir — soyez tranquille, il ne tombera pas un cheveu de sa tête. Je le redouterais autant que vous.
— Prenez-y garde, elle est femme à se défendre. Et si on la tue dans le conflit ? »
Il parut troublé une seconde puis reprit vivement :