Nous échangeâmes de tristes prévisions, des craintes, des regrets, en commentant les discours de la veille. Monsieur Pasquier était très soucieux.
« Peut-être, dis-je enfin, Thiers ne réussira-t-il pas à la prendre.
— Oh ! il réussira, cette fois-ci ou une autre ; il est imprudent mais il est très habile. La difficulté d’ailleurs ne consiste pas à la prendre, mais à la garder avec sécurité pour elle et pour les autres, sans enflammer les passions dans tous les partis, attiser la guerre civile que l’on croit éteindre et forcer peut-être à commettre des actions devant lesquelles on reculerait certainement si on les prévoyait.
« D’un autre côté, je ne puis nier que Thiers, dans son intérêt personnel du moment, n’ait à gagner à se présenter aux Chambres avec cette arrestation accomplie et à pouvoir dire : « Ce que les autres n’ont pu faire en six mois, moi, j’y ai réussi en trois semaines. » Cela n’est pas vrai, mais cela en a l’air ; c’est tout ce qu’il faut aux assemblées, d’autant que personne ne peut le démentir. Cependant notre conversation d’hier soir l’a un peu ébranlé. Malgré toute son audace, Thiers a trop d’esprit pour n’être point accessible à la raison ; peut-être se contenterait-il encore du départ… mais, elle, ne veut pas partir ! »
Nous continuâmes à deviser ainsi, et, plus nous considérions la question sous toutes ses faces, plus nous y découvrions des motifs de souci.
S’il y avait conflit, si le sang de la princesse y coulait, quel baptême pour le trône occupé par le fils d’un juge de Louis XVI ! Si les haines vindicatives des révolutionnaires traînaient la fille des rois devant les tribunaux ordinaires, quel abaissement pour la puissance qui le souffrirait ! Quant au jugement devant la Chambre des