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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

serait sans doute décidée à faire confidence de son état au général Bugeaud, comme elle l’avait fait au colonel Chousserie, à la dernière extrémité. Mais j’ai lieu de croire, je le répète, qu’un conseil venu du dehors et mal compris par elle l’entraîna à exiger la publicité d’une déclaration dont le modèle lui avait été envoyé, mais qui devait rester enfouie dans les murs de Blaye avec le triste secret qui s’y renfermait.

Aucun des partisans les plus dévoués de la princesse ne prenait au sérieux ce prétendu mariage, ni ne songeait à l’invoquer pour excuse. À la vérité, en ôtant toute chance possible de régence à Marie-Caroline, il lui enlevait son existence politique et les contrariait encore plus que la grossesse que, cependant, tout en y croyant parfaitement, ils s’étaient repris à nier, partant de ce principe que les gens capables de la proclamer devaient l’avoir inventée.

Lorsqu’on leur représentait que la déclaration parlait uniquement du mariage, plus sincères en cela qu’il ne leur est ordinaire, ils s’écriaient : « Ah bah, le mariage !… »

Un jour madame de Châtenay entra chez moi en riant :

« Je viens de rencontrer madame de Colbert au coin de votre rue, me dit-elle, vous savez que, malgré notre liaison d’enfance, elle me tient rigueur pour mes mauvaises opinions ; aujourd’hui elle m’a arrêtée. « J’espère, ma chère, que vous n’êtes pas de ceux qui croient à cette abominable invention contre madame la duchesse de Berry ?

« — Hé, bon Dieu, j’aimerais fort à n’y pas croire, mais que voulez-vous, elle l’avoue elle-même ; on dit qu’elle a mandé Deneux…

« — C’est un mensonge ! c’est une horreur ! c’est votre horrible gouvernement qui dit cela. » Tandis qu’elle se