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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

Cela pouvait être sans risque autrefois, alors que les grands seuls avaient droit de parler aux peuples d’eux-mêmes ; mais, actuellement que leur conduite passe au creuset de la publicité et de la publicité malveillante, il leur faut, dans les actions de leur vie publique et privée, l’honnêteté, la pudeur et la délicatesse exigées du simple particulier. Je persiste donc à croire que personne n’a gagné au triste drame de Blaye, pas même ceux qui semblent y avoir triomphé.

La tâche de madame du Cayla n’était pas achevée. Non seulement le roi Charles X avait voulu qu’on lui présentât un mari, mais encore il exigeait la preuve d’un mariage fait en temps opportun. Madame du Cayla se rendit en Italie à cet effet, et, grâce au désordre existant dans les registres de l’état civil, fit fabriquer un certificat de mariage dans un petit village du duché de Modène.

Le monde entier savait monsieur de Lucchesi en Hollande à la date que ce document portait ; mais, soit que Charles X l’ignorât, soit qu’il lui convînt de fermer les yeux, il s’en contenta et consentit à recevoir monsieur et madame Lucchesi-Palli lorsqu’il aurait acquis la certitude qu’ils faisaient bon ménage.

Le Roi voulait enchaîner sa belle-fille à ce mari qui terminait sa carrière politique et lui enlevait tous ses droits de tutrice sur l’avenir de ses enfants. Ce n’était pas le compte de la princesse. Elle entendait conserver son nom, son rang, et même ses prétentions à la régence (que Charles X, au reste, n’avait admises en aucun temps), car elle n’a jamais compris à quel point elle était déchue dans l’opinion publique.

Les dissensions dans la famille exilée entraînèrent de longues négociations où monsieur de La Ferronnays et monsieur de Chateaubriand furent employés sans succès.