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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

être occupées, et des aides de camp nous établissaient chacun à notre place.

Le Roi, la Reine, Madame, les ambassadrices et les ambassadeurs remplissaient un énorme char à bancs, dit de famille, qui contenait seize personnes. Dans un véhicule de la même nature, se trouvaient les jeunes princesses, avec toutes les demoiselles de la société ; la plupart étaient jolies, toutes étaient gaies, et cette troupe couverte de fleurs récréait la vue au milieu du cortège plus sérieux qui la précédait et la suivait.

Le désordre du départ, à travers les flots de la population qui se pressait jusques aux roues des voitures, présentait un spectacle animé et amusant. Tout le monde étant installé, les voitures partirent au petit pas et on traversa la ville aux acclamations des habitants.

Nous fîmes une très longue promenade dans la forêt, et je conserve peu de souvenir d’une scène plus pittoresque que celle que nous offrit le relais.

Les écuries du Roi n’y suffisant pas, il fut composé de chevaux de poste que nous trouvâmes dans un carrefour de la forêt. Ils étaient placés sur une pelouse ombragée d’arbres centenaires. Leurs cris un peu sauvages, leurs mouvements désordonnés faisaient contraste à l’attitude civilisée des camarades qu’ils étaient destinés à remplacer, comme les costumes des postillons de poste, aux livrées galonnées des gens du Roi.

On dételait déjà les premières voitures que les dernières roulaient encore sans bruit à travers le sable, laissant le silence derrière elles, et arrivaient à ce mouvement, à ces cris, à ces jurements, à ces hennissements si variés, et tout cela sous une ombre épaisse qui reposait d’un ciel sans nuage.

Ce mélange formait un des plus charmants tableaux qui se puissent imaginer. Là, comme dans tous les sites