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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/233

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je faisais réflexion, en les voyant là si contents, qu’un bon nombre de ces coutumes féodales, contre lesquelles les déclamations modernes ameutent nos esprits, ne paraissaient sans doute pas plus cruelles à ceux qui y étaient employés que si, par exemple, pour battre les étangs, dans l’intention de faire taire les grenouilles, dont le croassement dérangeait le sommeil de la châtelaine, les vassaux obtenaient quelques douceurs ou étaient payés d’une façon quelconque, ils se trouvaient peut-être tout aussi heureux que les enfants de Fontainebleau, car, à la rigueur, on parviendrait à faire des phrases d’indignation philantropique sur ces enfants réduits à la condition de servir d’épouvantail aux oiseaux.

La promenade se continua dans le grand parc, mais je retournai au château, ce qui composait notre carrossée se trouvant d’accord pour préférer un peu de repos.

Melchior de Polignac s’était retiré, avec sa femme et sa nombreuse famille, dans une petite maison de la ville où il vivait dans la retraite que son manque absolu de fortune lui imposait, mais où il jouissait de la considération acquise dans sa place de gouverneur.

J’ai déjà dit avoir passé huit jours au château pendant qu’il exerçait ses fonctions. Son nom et sa position rendaient naturellement Melchior et les siens fort hostiles à ce qui tenait au gouvernement de Juillet. J’hésitai à les aller voir, dans la crainte qu’un hôte du château leur fût importun à recevoir ; mais je me rendis la justice que ma visite serait faite à intention bien amicale (Je connaissais sa femme et lui depuis leur enfance) et je m’y décidai. J’eus la satisfaction qu’elle fut reçue dans la même disposition.

Je note cela avec plaisir, parce que j’ai trouvé souvent de l’aigreur dans des circonstances où elle était bien moins excusable. Melchior de Polignac me parla