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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

moins beau sans doute, car l’aspect du jardin était une véritable féerie. Je compris dans ce moment pour la première fois le mérite du talent de Le Nôtre.

C’est pour être habité avec cette royale splendeur que ce pompeux Versailles avait été conçu ; et le mouvement galvanique qu’il recevait pour la fête où nous assistions révélait les intentions de ses créateurs. Honneur au Roi qui a su le ressusciter autant que les circonstances le permettent. Il n’y a que la nation tout entière, suffisamment grande dame aujourd’hui, pour remplacer Louis XIV dans son palais.

On profita du reste du jour pour visiter en courant les autres galeries. La statue de Jeanne d’Arc, œuvre de la princesse Marie, reçut les hommages qu’elle méritait.

Jusqu’alors, nous étions exclusivement entre français. Le corps diplomatique et quelques étrangers avaient été invités pour le spectacle ; ils attendaient dans le salon précédant le théâtre où le Roi et la famille royale allèrent les retrouver. Puis ils furent placés dans des loges qui leur avaient été réservées, et nous suivîmes le Roi dans la grande corbeille qu’il occupait avec son service et les personnes qui avaient été désignées pour dîner à sa table. Le reste des convives se dispersa dans la salle dont le coup d’œil était admirable.

Lorsque le premier éblouissement fut passé, on remarqua que la proportion de femmes ne s’y trouvait pas et que la plupart des loges, étant remplies par des hommes, nuisaient à l’effet.

Cependant, comme tous ces hommes portaient des uniformes de diverses couleurs, cela paraissait bien moins sombre que s’ils avaient été vêtus en frac. Toutefois des femmes parées auraient bien mieux décoré la salle.

Il y en avait trop peu ; nous n’étions guère qu’une