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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

si petit compagnon qu’il devrait toujours reconnaître ne pouvoir se soutenir que par sa protection, et il se tenait pour si sûr de son crédit qu’il vit s’évanouir, sans trop de regret, l’espoir qu’il avait un moment conçu d’être nommé président du conseil sans portefeuille.

Monsieur de Broglie succomba à tant de manœuvres hostiles. Monsieur Thiers fut nommé à la joie du Roi, des cabinets étrangers et surtout de monsieur de Talleyrand. Celui-ci fut le premier à ressentir la vanité de ses prévisions. À peine quelques semaines s’étaient passées que, bafoué, déjoué, insulté par monsieur Thiers, il fut forcé par lui à quitter la place.

Les cabinets virent la guerre, que tous voulaient éviter, devenue presque imminente par les actions du nouveau ministre, et les quelques mois de son administration ont accumulé les embarras personnels sur la tête du Roi.

Ce changement de ministère a été le dernier acte de la vie publique du prince de Talleyrand, et, certes, on ne pouvait faire des adieux plus pernicieux à la politique du pays. Je ne prétends pas dire qu’il ait cessé de s’occuper d’affaires ; mais ce n’a plus été que par des intrigues qui n’ont point eu de résultat.

Les personnes qui approchaient le prince de Talleyrand remarquaient combien il s’affaiblissait. Chaque heure de représentation était suivie d’une sorte d’anéantissement, et les accidents graves se succédaient fréquemment. Mais toute la force de sa volonté était employée à les dissimuler.

À mesure que son état s’aggravait, madame de Dino s’occupait de plus en plus de l’idée de veiller sur ses derniers moments.

La mort de la princesse de Talleyrand avait fourni à l’archevêque de Paris une occasion de montrer sa malveillance. Il avait fait faire amende honorable à la personne