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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/308

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MORT DE LA DUCHESSE DE WURTEMBERG

Aller chercher la distraction qu’on veut, à l’heure où elle convient, n’en prendre que ce qui plaît, joindre les chances de l’imprévu à celles qu’on sait trouver, causer de tout avec tout le monde, sans gêne, et sans responsabilité, voilà la théorie qu’elle s’était faite de la visite. Je la lui ai souvent entendu professer, en se plaignant d’en être privée, et elle s’étonnait de nous voir rire de son utopie.

Loin de l’avoir rendue plus sociable, son indépendance de position ne l’avait donnée qu’à la solitude. Cela s’expliquait par deux motifs. D’abord par sa santé qui, la suite l’a prouvé, n’était que trop mauvaise, quoiqu’elle ne s’en plaignît jamais, ensuite par une souffrance morale dont j’ai acquis la certitude.

L’amour lui peignait le duc Alexandre orné de toutes les perfections et de toutes les distinctions ; mais elle avait trop de perspicacité pour ne pas s’apercevoir qu’aux yeux de sa famille c’était un beau et bon garçon bien ennuyeux pour qui on avait beaucoup d’égards et peu de goût.

Elle ne pardonnait pas aux siens ce qui lui semblait une injustice, et, très probablement, le prince, qui l’adorait avec dévouement, plus à son aise dans leur intérieur, s’y montrait moins gauche qu’au milieu de ses beaux-frères dont la supériorité l’écrasait. Ce qu’il y a de sûr, c’est que l’ancienne intimité ne se rétablit pas entre la princesse Marie et ses frères.

Quoique la fin de sa grossesse fût pénible, elle accoucha très heureusement, le 30 juillet 1838, d’un enfant si énorme qu’on attribua ses souffrances précédentes à cette cause, et, pendant quelques semaines, son état ne donna nulle inquiétude ; mais, loin de se rétablir, elle s’affaiblissait de plus en plus et son dépérissement augmentait.