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MORT DE LA DUCHESSE DE WURTEMBERG

Elle fit appeler sa dame d’honneur, madame Spietz, catholique ainsi qu’elle, et la chargea de tous les détails religieux avec une présence d’esprit qui ne se démentit pas un instant, malgré les fréquents évanouissements où elle tombait ; et bientôt, entourée des secours qu’elle avait réclamés, elle ajouta les paroles les plus élevées et les plus touchantes aux prières des prêtres où elle ne manquait pas de prendre part.

Les souvenirs de sa famille se mêlaient tendrement aux adieux qu’elle adressait près d’elle ; et, dans les deux derniers jours de sa jeune carrière, elle se montra aussi expansive qu’elle avait été habituellement contenue jusque-là. Son âme, tout à la fois pieuse et passionnée, semblait comprendre qu’elle allait s’élancer vers sa véritable patrie.

Le 2 janvier, après un état d’épuisement tel que pendant plus de trois heures on penchait l’oreille pour s’assurer si elle respirait encore, elle se ranima tout à coup. Monsieur le duc de Nemours dit ne l’avoir jamais vue si belle.

Ses yeux reprirent leur brillant éclat, sa physionomie s’éclaira ; elle se redressa sur sa couche de mort, regarda autour d’elle, sourit à son mari et à son frère, les attira près d’elle, les embrassa tendrement, puis leur dit d’une voix forte, mais naturelle :

« Mes amis, voyez la puissance de la religion ! J’ai vingt-cinq ans, je suis heureuse… bien heureuse, reprit-elle en serrant la main de son mari, et je meurs contente ; Nemours, ne l’oublie pas, et dis-le à Chartres. »

Ce furent ses dernières paroles. Sa figure conserva encore quelque temps une expression de béatitude. Ses yeux restèrent ouverts, comme s’ils lui montraient une vision pleine de douceur ; puis les évanouissements se succédèrent, jusqu’à ce que la vie eût complètement disparu.