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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

laissez-passer contresigné par monsieur de Choiseul. Le maréchal l’avait remis lui-même à mon homme qu’il connaissait en lui disant : « Louis, voilà ce que demande madame de Boigne, mais dites-lui de ne se point presser ; tout sera fini d’ici à peu d’heures, j’espère, comme elle le souhaite, et je pense pouvoir aller chez elle dans la journée. »

Pauvre homme, il était bien dans l’erreur ! Je donnai connaissance de ce message à monsieur Pasquier ; il m’engagea fort à ne pas essayer de sortir de Paris. J’étais combattue par la crainte d’inquiéter mes parents. J’hésitais encore lorsque le feu recommença (il pouvait être huit heures du matin) et, au même moment, des coups de pioches retentirent dans ma rue.

Je mis la tête à la fenêtre et je vis deux ou trois hommes commençant à enlever des pavés dans la rue du faubourg Saint-Honoré. Ils furent bientôt au nombre de vingt-cinq à trente, puis de cinquante. En moins d’un quart d’heure, il y eut une double barricade fort haute dans la rue du Faubourg qui fut immédiatement accompagnée d’une transversale dans la rue d’Anjou. La même précaution fut prise simultanément à la croisée de la rue de Surène et probablement dans tout le quartier. Bientôt on abattit les arbres de l’allée de Marigny pour faire des estacades à la place Beauveau.

J’ai vu faire ces barricades sous mes yeux, et je puis affirmer, qu’excepté le zèle et l’empressement avec lequel on travaillait, rien ne témoignait une effervescence extraordinaire. C’étaient, pour la plupart, les habitants de la rue qui les élevaient. Pas de cris, pas de rixes, beaucoup de tranquillité et d’activité.

L’œuvre accomplie, quelques hommes armés restaient pour la garder, les autres s’éloignant. Je ne vis aucun chef dirigeant ; tout semblait se faire d’inspiration. On