Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

— Vraiment ! et que vous dit-il ?

— Il me demande le degré exact du thermomètre dans la journée d’hier. »

Les bras tombent à pareille révélation ! Pour ne pas la traiter de fable, il faut savoir que, dans leur intérieur, les princes de la famille royale s’occupaient extrêmement de l’état du ciel, non dans l’intérêt de la science, mais dans celui de la chasse. L’usage était établi entre eux de se faire part chaque jour de leurs observations ; et le plus ou moins d’exactitude de leur thermomètre et de leur baromètre était devenu une sorte de préoccupation, surtout pour monsieur le Dauphin. Or, dans leur existence si éminemment princière, rien ne dérangeait ces niaiseries habituelles, devenues une sorte d’étiquette.

L’homme que j’avais envoyé le matin à l’état-major s’était muni pour revenir d’une carte à l’aide de laquelle il prétendait pouvoir y retourner. Nous remarquâmes, en effet, qu’elle portait la permission de circuler pour le service de monsieur le maréchal.

Arago se mit à écrire une lettre où il lui disait la ville entière soulevée, la population de toutes les classes en pleine insurrection, les réunions politiques s’organisant. Il avait connaissance de beaucoup de gens y prenant part ; on lui avait déjà fait des propositions ; il était question d’un gouvernement provisoire ; la cocarde tricolore était décidée ; le Roi ne conservait de chance qu’en l’adoptant et en proclamant l’abandon du système absolutiste qui allait amener une guerre civile dont il serait incontestablement victime.

Pour lui, duc de Raguse, il y avait encore un beau rôle de médiateur à jouer, mais pas un instant à perdre. La retraite des ministres l’ayant laissé seul maître à Paris, il fallait proclamer l’amnistie sur ce qui s’était