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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

gination. Ces malheurs semblaient d’autant moins présumables cependant que Moreau m’annonça l’abandon de Saint-Cloud.

Le Roi se retirait ; la route de Versailles était couverte de troupes, ayant l’air consterné et semant des déserteurs par groupes de tous les côtés. J’allai porter cette nouvelle à monsieur Pasquier. Je trouvai chez lui le duc de Broglie. Il savait déjà la retraite sur Rambouillet ; l’un et l’autre m’engagèrent fort à rester à Paris, comme dans le lieu où il pouvait y avoir le plus de sécurité.

Monsieur de Broglie y avait appelé sa femme et ses enfants. J’étais facile à persuader, car je prenais trop d’intérêt aux événements pour souhaiter m’éloigner. Je retournai donc chez moi pour écrire à ma mère et lui expliquer mes objections à partir, et surtout à suivre la route, encombrée d’obstacles, sur laquelle Moreau offrait de me conduire.

En passant, j’entrai chez madame de Rauzan. Elle était informée du départ ; son père lui avait fait dire, par un de ses gens, que la Cour allait passer quelques jours à Trianon. Elle m’avait apprit la scène qui avait eu lieu entre monsieur le Dauphin et le duc de Raguse et même avec exagération.

Nous échangeâmes nos craintes sur la disposition où pourrait être le maréchal, après un pareil éclat, de quitter la Cour et de revenir à Paris sans calculer les dangers personnels qu’il y courait. Cette circonstance fut cause qu’en écrivant à ma mère je la priai de tâcher de faire savoir au maréchal la position ou il se trouvait dans Paris et de lui faire parvenir de l’argent pour s’éloigner, dans le cas où il se séparerait du Roi, s’il s’en trouvait dépourvu.

En effet, ce même Moreau, qui était venu me chercher à Paris, alla le lendemain de Pontchartrain à Rambouillet,