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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Je ne suis pas bien riche, lui dit-il, mais vous n’êtes pas bien avide ; nous nous retrouverons peut-être dans des temps où je pourrais mieux user de votre zèle et le récompenser plus dignement. »

L’état de la santé de ma mère, qui devenait plus alarmant, décida enfin mon père à s’arracher de ces Tuileries où il ne voulait pas rester et qu’il ne pouvait quitter. Il arriva à Rome au printemps de l’année 1792.

À la tristesse que lui donnaient les événements politiques, se joignit celle qui résultait de la perte de son frère, l’abbé d’Osmond, jeune homme de la plus belle espérance. Il s’était rendu à Saint-Domingue en 1790, dans la pensée d’y conserver nos propriétés et d’y préparer une retraite à notre famille, si la France devenait inhabitable. Au commencement de l’insurrection de Saint-Domingue, il joua le rôle le plus honorable ; mais, tombé entre les mains des nègres, il fut inhumainement massacré.

Mon père avait retenu le vicomte d’Osmond à la tête du régiment (de Neustrie), qu’il commandait à Strasbourg, tant qu’il était resté en France. Mais, après son départ, le vicomte, accompagné de tous les officiers de son régiment, alla rejoindre l’armée des princes.