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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/128

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ENCORE BERMONT

peu d’objets de valeur qui restaient à mon père. On ne s’en aperçut pas de longtemps.

Lorsque mon père revint nous chercher, il avait laissé ma mère seule à Londres avec sa jeune négresse. Un soir, elle l’appelle en vain. On s’agite, on la cherche ; enfin, on découvre qu’elle est partie avec Bermont, revenu de France exprès pour l’enlever. Il en était devenu amoureux fou, et avait conduit cette intrigue sous les yeux de sa femme, sans qu’elle s’en doutât.

Peu de temps après, à Londres, deux hommes entrèrent dans le salon où je travaillais à côté de ma mère, couchée sur un canapé. Mon père nous faisait la lecture. Ces deux hommes venaient l’arrêter à la requête de Bermont ; on le mit dans un fiacre et on l’emmena en prison. On se figure notre désolation. Il fallait se procurer des répondants. Ma mère, qui n’avait pas quitté sa chaise longue depuis trois mois, se mit en quête d’en trouver ; elle y réussit au bout de quelques heures. Cependant mon père passa la nuit dans la maison d’arrêt.

Bermont réclamait les mille écus, plus les intérêts et ses gages, ainsi que ceux de sa femme depuis la sortie de France. Cela faisait une assez grosse somme pour de pauvres émigrés. Les livres de compte, qui auraient fait foi de l’exactitude avec laquelle il avait été payé, étaient en sa possession. Les gens de loi surmontèrent la répugnance de mon père, et obtinrent qu’il nierait la dette en totalité. Pour établir celle des mille écus, Bermont n’avait d’autre preuve que les intérêts constamment payés. Il lui fallut la fournir, en renonçant à une partie notable de ses demandes et en établissant sa mauvaise foi ; mais il n’avait plus rien à perdre vis-à-vis de lui-même et des autres.

Il se conduisit avec une insolence et une dureté dont rien ne peut donner l’idée, et il osa se trouver à l’au-