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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

leur sans la pouvoir soulever ; parfois aussi j’y ai trouvé quelque distraction. Les cahiers qui suivent sont le résultat de ces efforts : ils ont eu pour but de donner le change à des pensées que je pouvais mal supporter.

Mon premier projet, si tant est que j’en eusse un, était uniquement de retracer ce que j’avais entendu raconter à mes parents sur leur jeunesse et la Cour de Versailles. L’oisiveté, l’inutilité de ma vie actuelle m’ont engagée à continuer le récit de souvenirs plus récents ; j’ai parlé de moi, trop peut-être, certainement plus que je n’aurais voulu ; mais il a fallu que ma vie servît comme de fil à mes discours et montrât comment j’ai pu savoir ce que je raconte.

Il y avait déjà bien du papier griffonné, d’une façon à peu près illisible, lorsqu’une personne au goût de laquelle j’ai confiance m’a fait une sorte de violence pour en prendre connaissance : elle m’a fortement engagée à en faire faire une copie et à la revoir. Pour la copie, c’était facile ; quant à la revoir, c’est tout à fait inutile ; je ne sais pas écrire ; à mon âge je n’apprendrai pas le métier et, si je voulais essayer de rédiger des phrases, je perdrais le seul mérite auquel ces pages puissent aspirer, celui d’être écrites sans aucune espèce de prétention et tout à fait de premier jet. S’il m’avait fallu faire une recherche quelconque ailleurs que dans ma mémoire, j’y aurais bien vite renoncé ; je n’ai voulu qu’une distraction et non pas un travail.

Si donc mes neveux jettent jamais un coup d’œil sur ces écritures, ils ne doivent pas d’attendre à trou-