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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/154

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LADY MARY KINGSTON

Lady Kingston était devenue une riche héritière par la mort d’un frère. Ce frère avait laissé un fils qu’un mariage tardif n’avait pu légitimer. La mère, personne intéressante, était morte en couches d’un second enfant qui n’avait pas vécu. Le père de lady Kingston n’avait jamais voulu reconnaître le mariage de son fils, ni l’enfant qu’il avait laissé en le léguant à l’amitié de sa sœur, lady Kingston. Cette sévérité était portée à un tel point que, pendant la vie du vieillard, lady Kingston était forcée de dissimuler l’intérêt qu’elle portait au jeune orphelin. Elle le faisait soigneusement élever. Dès qu’elle fut maîtresse de sa fortune, elle assura le sort du jeune Fitz-Gerald auquel son propre père avait déjà laissé le peu dont il pouvait disposer, le fit entrer dans l’armée, le patronna, facilita son mariage avec une jeune personne destinée à une belle fortune, et, ce qui est bien rare en Angleterre, établit ce jeune ménage dans une maison que les comtes de Kingston possédaient à Londres et n’habitaient point. Lord Kingston, homme sauvage et atrabilaire, ne quittait guère ses terres d’Irlande où il vivait en despote.

Lady Kingston avait beaucoup d’enfants. Les plus jeunes étaient des filles. Le soin de leur éducation l’amena plusieurs années de suite à Londres où le ménage Fitz-Gerald lui formait un intérieur agréable. La femme était douce et prévenante, le mari, son ami, son fils, son frère. Les petites Kingston s’élevaient sur ses genoux.

Lady Mary, l’aînée, était une des personnes les plus charmantes que j’aie jamais rencontrées. Elle atteignait sa dix-septième année ; sa mère souhaitait la mener dans le monde, elle refusait de l’y suivre. Elle aimait mieux continuer ses études avec ses sœurs. Son seul plaisir était la promenade à pied ou à cheval, quelquefois en carriole. Lady Kingston n’y apportait jamais aucun ob-