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MARIAGE DE FANNY DILLON

larmes. Elle retourna à Saint-Cloud, se disant décidée à refuser le Bertrand, coûte que coûte ; sa mère l’y encourageait fort. Elle revint l’ayant accepté, et toute réconciliée avec son sort.

L’Impératrice lui avait montré de grandes places en perspective et le nom de Bertrand caché sous un duché. Le soir, elle n’était plus occupée qu’à chercher le titre qui sonnerait le mieux à l’oreille et que pourtant elle n’a jamais obtenu. J’ai toujours pensé que c’était une taquinerie de l’Empereur en souvenance du singe du Pape.

L’entrevue eut lieu à Beauregard ; madame Dillon ne voulut pas y assister et j’en eus la charge. Jamais une fiancée plus maussade, plus mal attifée ne s’est présentée à un futur époux. Le général n’en fut pas rebuté ; et, un mois, jour pour jour, après la mort de madame de Fitz-James, madame Dillon accompagnait son autre fille à l’autel avec une répugnance qu’elle ne cherchait pas à dissimuler. Le mariage civil eut lieu chez moi, à Paris, et la noce à Saint-Leu, chez la reine de Hollande. J’y fus invitée, mais je trouvai un prétexte pour m’en dispenser.

Il faut rendre justice à Bertrand ; c’était un homme fort borné, mais très honnête. Il a été bon mari et bon gendre ; nous avons toujours conservé les meilleurs rapports ensemble. On dit qu’il avait de la capacité dans son arme. L’Empereur était bon juge et le distinguait, mais je crois que son vrai mérite était un dévouement aveugle et sans bornes d’aucune espèce.

Les courses de Fanny Dillon à Saint-Cloud se faisaient avec mes chevaux et mes gens. Un jour, où un fourrier du palais les faisait ranger, mon cocher lui dit :

« Mon Dieu, je me mettrai où vous voudrez, je n’y tiens pas, nous ne venons jamais ici pour notre compte. »