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JEUNESSE DE MON PÈRE

et, pendant les premières années passées dans les garnisons, il fit tout seul cette éducation que l’évêque croyait pieusement aussi excellente qu’elle était dispendieuse.

Ayant atteint l’âge de dix-neuf ans, son père lui envoya de Saint-Domingue un cadeau de deux mille écus, en dehors de sa pension, pour s’amuser pendant le premier semestre qu’il devait passer à son goût et, par conséquent, à Paris. Le jeune homme employa cet argent à se rendre à Nantes et à y prendre son passage sur le premier bâtiment qu’il trouva pour donner ses moments de liberté à son père et faire connaissance avec lui, car il avait quitté Saint-Domingue depuis l’âge de trois ans. Cet aimable empressement acheva de le mettre en pleine possession du cœur paternel, et le père et le fils se sont toujours adorés. Quant à ma grand’mère, c’était une franche créole pour laquelle ses enfants n’ont jamais eu qu’une affection de devoir.

Plusieurs années s’écoulèrent ; mon père suivit sa carrière militaire, passant ses hivers à Paris chez son oncle et dans la société très intime du Palais-Royal où il était traité, à cause du comte d’Osmond, comme un enfant de la maison. Il fut nommé lieutenant-colonel du régiment d’Orléans aussitôt que son âge permit qu’il profitât de la bienveillance du prince, et madame de Montesson, déjà mariée à monseigneur le duc d’Orléans, le comblait de bontés. Il donnait toujours une grande partie du temps dont il pouvait disposer à l’évêque de Comminges ; il l’accompagna aux eaux de Barèges (en 1776). Ils y rencontrèrent madame et mademoiselle Dillon, dont l’évêque devint presque aussi amoureux que son neveu. Il engagea ces dames à venir à Allan, château situé dans les Pyrénées et résidence des évêques de Comminges, où il voulait absolument que le mariage fût célébré tout