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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/281

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

terie qui régnait encore à l’époque où il est entré dans le monde. Il n’a pu se dissimuler qu’il était le premier auteur des torts de sa femme. Monsieur de Chateaubriand avait certainement conçu la pensée de la relever à ses propres yeux et à ceux du monde. Mais il est incapable de s’occuper avec persévérance du sort d’un autre ; il est trop absorbé par la préoccupation de lui-même.

C’est lorsque madame de X… rentra dans sa retraite que se forma décidément le corps des madames. Les principales étaient les duchesses de Duras, de Lévis, et madame de Bérenger ; le reste ne vaut pas l’honneur d’être nommé. Ces trois dames avaient chacune leur heure ; monsieur de Chateaubriand était reçu à huis clos, et Dieu sait quelle vie on lui faisait quand il donnait à l’une d’elles quelques-unes des minutes destinées à l’autre.

Elles étaient tellement enorgueillies de leur succès que leur portier avait ordre de tenir leur porte close en avertissant que c’était l’heure de monsieur de Chateaubriand, et on assure que la consigne était souvent prolongée pour se donner meilleur air. Ces dames se faisaient entre elles des scènes qui servaient à divertir la galerie ; mais, chaque soir, toutes reprenaient leur bonne humeur et s’en allaient faire la cour la plus assidue à madame de Chateaubriand qu’elles comblaient de soins et de prévenances.

Un jour où elle était un peu enrhumée, elle prétendait avoir reçu cinq bouillons pectoraux dans la même matinée, accompagnés des plus charmants billets dont elle faisait l’exhibition en se moquant de ces dames très drôlement, mais, au fond, sans aucun mécontentement, car ces hommages de fort grandes dames ne lui déplaisaient pas.

On dit que madame de Lévis obtint des succès assez