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MARIAGE DE MON PÈRE

Armé de cette lettre, mon père partit à franc étrier, força toutes les consignes, arriva jusqu’à mademoiselle Dillon, et, huit jours après, elle était sa femme.

Aussitôt qu’elle fut complètement rétablie, il la ramena à Paris ; l’évêque refusait toujours de les voir. Le comte d’Osmond, qui avait apporté les plus fortes objections à ce mariage, du moment qu’il fut fait, ne fut plus occupé qu’à en diminuer les inconvénients. Il présenta ma mère au Palais-Royal, comme il aurait pu le faire de sa belle-fille, et elle y fut bientôt impatronisée. Madame de Montesson s’en engoua, et aurait voulu qu’elle fût attachée à madame la duchesse de Chartres, mais le comte d’Osmond s’y refusa formellement. Il ne lui convenait pas que la femme de son neveu fût dame d’une princesse qui n’était pas famille royale ; et, d’ailleurs, il s’apercevait que madame de Montesson voulait l’accaparer et il ne lui voulait pas l’attitude de complaisante auprès d’elle.

L’archevêque de Narbonne (Dillon) avait été un peu choqué des objections faites par les d’Osmond à un mariage avec une fille de son nom, qu’il reconnaissait pour proche parente. Il se porta aussi protecteur actif des nouveaux époux, les attira à la campagne chez lui, dans une terre en Picardie, nommée Hautefontaine, où il menait une vie beaucoup plus amusante qu’épiscopale. Ma mère y eut les plus grand succès ; elle était extrêmement belle, avait très grand air, même un peu dédaigneux et elle savait se laisser adorer à perfection ; au reste, toutes ces adorations, elle les rapportait à mon père, objet d’une passion qui l’a accompagné dans toute sa vivacité jusqu’au tombeau. L’arrivée de cette belle personne et tout le romanesque attaché à son mariage fit un petit événement à la Cour dans un temps où il n’y en avait guère de grands ; elle fut présentée par