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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/351

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Les entours du Roi se trouvaient presque tous faisant de l’étiquette pour la première fois. Ils avaient un zèle de néophytes et, malgré leurs noms féodaux, toute la morgue et l’insolence de parvenus.

L’empereur Alexandre ne fut pas la seule personne revenue mécontente de sa visite à Compiègne. Monsieur de Talleyrand, auquel le Roi devait le trône, fut froidement reçu par lui, tout à fait mal par Madame, et le Roi évita de lui parler d’affaires avec une telle affectation qu’après un séjour de quelques heures il repartit, comme un courtisan ayant fait sa cour à Versailles ; fort embarrassé de n’avoir, en sa qualité de ministre et de chef de parti, aucune parole à rapporter à ses collègues et à ses associés.

Les maréchaux de l’Empire furent mieux accueillis. Le Roi trouva le moyen de placer à propos quelques mots par lesquels il montrait savoir les occasions où ils s’étaient particulièrement illustrés, et indiqua qu’il ne séparait pas ses intérêts de ceux de la France : ceci était bien et habile. Toutes les caresses furent pour quelques vieilles femmes de l’ancienne Cour qui coururent à Compiègne. Malgré leur âge, elles furent effarouchées du costume de Madame ; elle était mise à l’anglaise.

La longue séparation entre les îles Britanniques et le continent avait établi une grande différence dans les vêtements. Avec beaucoup de peine elles décidèrent Madame à renoncer à ce costume étranger pour le jour de son entrée à Paris. Elle s’obstina à le garder jusque là et l’a longtemps conservé lorsqu’elle n’était pas en représentation. C’est encore une de ses fiertés mal entendues. La pauvre princesse a tant de dignité dans le malheur qu’il faut bien lui pardonner quelques erreurs dans la prospérité. Nous fûmes appelées, ma mère et