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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

ceci était de la compétence du Roi. C’est avec l’assistance du duc de Duras, principalement, que ce travail fut accompli, et qu’on établit les honneurs de la salle du Trône pour remplacer les honneurs du Louvre. Monsieur de Duras, plus duc que feu monsieur de Saint-Simon, tenait excessivement à ce que les distinctions attachées à ce titre fussent établies de la façon la plus marquée, et il inventa ce moyen. Monsieur et Madame le désapprouvèrent hautement, et la séparation entre les dames ne fut jamais établie chez eux.

La nouvelle étiquette charma les duchesses et excita la colère des autres, surtout des vieilles dames de l’ancienne Cour. Il faut convenir que les précautions avaient été toutes prises pour rendre la distinction aussi choquante que possible pour celles qui y attachaient quelque importance. On arrivait par la salle des Maréchaux qui alors servait de salle des gardes et donnait sur l’escalier, on traversait le salon bleu à peine éclairé. Nous autres, restions dans le salon de la Paix qui ne l’était guère davantage. Les duchesses, continuant leur route, entraient dans la salle du Trône qui, seule, était éclatante de lumières. Un des battants de la porte qui y donnait accès restait ouvert ; un huissier s’y tenait pour refuser passage à qui n’avait pas droit. Il fallait voir la figure des anciennes dames de la Cour toutes les fois qu’une de ces heureuses du jour traversait le salon de la Paix et leur passait sur le corps. C’était une fureur constamment renouvelée et un texte journellement exploité en paroles qui m’ont souvent divertie. Les pauvres duchesses étaient en butte à bien des sarcasmes ; je laisse à penser comme on arrangeait celles de l’Empire.

Le moment où la porte se fermait annonçait l’entrée du Roi dans la salle du Trône. Il en faisait le tour en s’adressant aux duchesses, aux personnes titrées, ainsi