Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
355
ÉTIQUETTE DE LA COUR

sieur n’y a renoncé tout à fait qu’en montant sur le trône. Mais, passé les premiers jours, il ne m’honorait plus de cette distinction devenue rare.

À coup sûr cette réception était mal arrangée car on n’en sortait jamais qu’ennuyée, fatiguée, mécontente. J’étais des bien traitées et pourtant je n’y allais qu’en rechignant, le plus rarement qu’il m’était possible. C’était une véritable corvée ; il fallait changer l’heure de son dîner, s’enharnacher d’une toilette incommode et qu’on ne pouvait produire ailleurs, être aux Tuileries à sept heures, y attendre une heure à voir passer les duchesses, comme nous disions, se heurter à la porte de Madame, s’enrhumer dans les corridors extérieurs, malgré la précaution que nous prenions de nous envelopper la tête et les épaules dans notre bas de robe, ce qui nous faisait des figures incroyables, et enfin éprouver au pavillon de Marsan les mêmes difficultés à retrouver nos gens. Pour peu qu’ils ne fussent pas très intelligents, on les perdait souvent dans ces pérégrinations ; et, comme les hommes étaient complètement exclus des réceptions, on voyait de pauvres femmes parées, courant après leur voiture jusqu’au milieu de la place. Il faut ajouter à tous ces désagréments celui d’être trois heures sur nos jambes. C’est à ce prix que nous achetions l’honneur d’être dix secondes devant le Roi, une minute devant Madame et à peu près autant chez les princes. La proportion n’y était pas.

Les personnes chargées des cérémonies de Cour devraient mettre quelque soin à les rendre commodes ; la Restauration et ses serviteurs ne s’en sont jamais occupés. On a voulu renouveler les anciennes traditions, sans penser au changement de local et à celui des usages.

Par exemple, une femme à Versailles était toujours suivie de deux laquais, souvent de trois, et d’une chaise à porteurs qui la menait jusque dans les antichambres.