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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je fus présentée à madame la duchesse de Bourbon. Je ne saurais dire par quel hasard je n’y suis jamais retournée depuis cette première visite. Cela est d’autant moins explicable qu’elle recevait tous les jours et avait une maison très agréable.

Monsieur le duc d’Orléans vint faire une course à Paris ; il se raccommoda ostensiblement avec sa mère. La présence de monsieur de Follemont avait causé précédemment une rupture complète entre la mère et les enfants. Il fit sa cour au Roi, donna des ordres pour faire arranger le Palais-Royal, tout à fait inhabitable à cette époque, rentra en possession de ses biens et retourna en Sicile pour y chercher sa famille, composée alors de madame la duchesse d’Orléans, de Mademoiselle et de trois enfants : monsieur le duc de Chartres et les princesses Louise et Marie. Madame la duchesse d’Orléans était grosse du duc de Nemours.

Dix années avant, j’avais laissé en Angleterre trois princes d’Orléans ; il n’en restait plus qu’un. Né avant que la vie, plus que libre, menée par leur père lui eût gâté le sang, l’aîné était d’une santé robuste. Monsieur le comte de Beaujolais, ayant ajouté les excès de sa propre jeunesse aux excès paternels, succomba le premier. Ses deux frères le soignèrent avec la plus vive tendresse et l’accompagnèrent à Malte sans pouvoir le sauver. Monsieur le duc d’Orléans était destiné à un chagrin plus intime encore. Son frère chéri, cette véritable moitié de lui-même, le duc de Montpensier, aussi bon, aussi aimable, aussi gracieux qu’il était distingué, mourut d’une maladie étrange qui supposait un vice dans le sang.

Monsieur de Montjoie aussi, le fidèle ami de ces princes, leur compagnon dans toutes les vicissitudes de leur vie aventureuse, fut tué à la bataille de Friedland. On a dit que le boulet qui l’emporta était parti d’une batterie