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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Monsieur le duc d’Orléans, profondément blessé, peiné, embarrassé, resta seul avec mon oncle ; il n’y avait rien à dissimuler, il lui parla avec amertume de cette scène et lui témoigna un vif désir de repartir sur le champ. Édouard lui montra l’inconvénient d’un tel esclandre et s’offrit à aller de sa part prendre les ordres du Roi. Le Roi, qui était auprès de sa nièce, fit dire au prince que c’était une incommodité à laquelle Madame était fort sujette, qu’elle allait mieux et qu’il n’y paraîtrait pas au dîner. Peu d’instants après, il reçut monsieur le duc d’Orléans dans son cabinet. Je ne sais ce qui se passa entre eux. Au dîner, Madame fit bonne contenance et parla même à monsieur le duc d’Orléans de ces palpitations auxquelles elle était sujette, ce qui n’était pas vrai. Le prince fut très satisfait, on peut le croire, de remonter en voiture sitôt après le dîner.

Ces sortes de scènes laissent des traces qui ne s’oublient ni de part ni d’autre.

La répugnance ostensible de Madame pour monsieur le duc d’Orléans s’affaiblit avec le temps, mais elle ne put ni vaincre ni dissimuler celle que lui inspirait Mademoiselle. En revanche, il s’établit une amitié sincère et mutuelle entre elle et madame la duchesse d’Orléans. Madame l’appelait ordinairement, en en parlant, ma vraie cousine.

Mon père aurait désiré que mon frère fût attaché à la maison d’Orléans où son nom lui donnait d’anciens droits de famille. Les bontés de madame la duchesse d’Orléans pour moi me permettaient de lui en parler. Quoique en grand deuil de sa mère, elle me recevait souvent ; elle promit de s’en occuper. Mais elle me répondit, peu de jours après, que monsieur le duc d’Orléans avait plus d’engagements qu’il n’était possible qu’il eût jamais de places à sa disposition. Ce n’était pas tout à fait la vérité. La voici :