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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

avait été donné dans une maison de campagne aux environs de Paris. Un indiscret le raconta très innocemment.

Madame de Talleyrand ne se trompa pas sur l’importance de cette réunion si secrètement préparée ; elle ne put cacher son trouble ni s’en remettre. Ses prévisions n’ont pas été trompées ; depuis ce jour, elle n’a pas revu monsieur de Talleyrand, et bientôt elle a été expulsée de sa maison.

Monsieur de Blacas redoubla de soins et de grâce pour mon père après le départ de monsieur de Talleyrand, mais il ne lui convenait nullement d’entrer dans la cabale qui se formait sous ses yeux.

Nous voyions souvent, depuis nombre d’années, la princesse de Carignan, nièce du roi de Saxe. Elle avait épousé, au commencement de la Révolution, le prince de Carignan, alors éloigné de la Couronne, mais prince du sang reconnu. Elle avait adopté les idées révolutionnaires et y avait entraîné son mari, dépourvu de l’intelligence la plus commune. Elle était restée veuve et ruinée avec deux enfants et avait successivement porté ses réclamations dans les antichambres du Directoire, du Consulat et de l’Empire.

Il convenait à l’Empereur de les accueillir ; elle reprit son titre de princesse, et il partagea les biens, non vendus, de la maison de Carignan, entre son fils et celui du comte de Villefranche, oncle du feu prince de Carignan. Il l’avait eu d’un mariage contracté en France avec une demoiselle Magon, fille d’un armateur de Saint-Malo. La princesse de Lamballe, sa sœur, en avait été désolée, courroucée, et la Cour de Sardaigne n’avait jamais reconnu cette union.

La princesse de Carignan, saxonne, avait de son côté épousé secrètement un monsieur de Montléard dont elle